24 mars 2012

Traduction libre | Living alone & loving it VF

Seul et heureux de l’être

Certes, mon lit est vide et mon budget, serré. Mais moi, DAVID SHERMAN, je savoure cette liberté nouvellement retrouvée.

Le New York Times rapportait récemment qu’en ce moment, nous sommes plus nombreux à vivre en solo que nous ne l’avons été auparavant. Dans beaucoup de villes des É.-U., au moins 40 % des ménages ne sont composés que d’un seul occupant. À Manhattan et à Washington D.C., c’est près de la moitié d’entre eux.

Je viens de joindre les rangs de ceux qui, dorénavant, peuvent régler le chauffage et le volume de la télé à leur convenance (et ce ne sont que quelques avantages de rentrer au bercail quand personne ne nous y attend). Justement au moment où le Times documente les avantages extraordinaires que procure une vie active en solitaire, je goûte de nouveau la sérénité de la solitude. Ce qui est si bien de vivre seul, c’est, en fait… de vivre seul. Ne pas devoir préparer le souper à quiconque. N’avoir personne pour le critiquer non plus ni personne pour se plaindre de la quantité ou de l’effort à fournir pour récurer les restes.

Évidemment que mon lit est désert; absent du coude de l’autre qu’on se prend en pleine figure ou du genou, dans les bijoux de famille. Et personne pour ronfler. Quant aux autres types d’action qui peuvent s’y passer, ou non... eh bien, ça restera sous les couvertes. Il est vrai que personne n’y est pour vous ramasser; vos chaussures n’ont pas été rangées hors de la zone habituelle, votre manteau se trouve précisément là où vous le jugez opportun et votre tasse de café préférée vous attend sur le comptoir. Le cerne s’efface facilement en frottant. L’un de mes amis m’a dit un jour que de vivre en solo, c’est rentrer et tout retrouver exactement comme on l’a laissé. Ma réponse? Pile-poil!

Or, ça manque un peu de jasette autour de la table au dîner, mais l’absence de confrontations interminables compense largement. Si votre ex est l'une de ces personnes singulières qui, de toute façon, n’écoutent pas, un chat saura aussi bien y faire comme interlocuteur. Pour une vraie petite jasette, il y a encore les textos, les courriels et même le téléphone, dont l’apanage est de pouvoir rompre la communication quand bon vous semble. Aucun de ces gadgets ne vous suivra en vous demandant d’en venir au but. Avec un peu de chance, un bon ami sera à l’autre bout du fil. Quelqu’un qui n'est pas contrarié parce que vous avez laissé une poêle dans le lavabo et qui n'a pas envie d’aller au théâtre visionner ce qu’un de mes amis appelle « film bulgare sur les tracteurs » et crouler sous le poids du désespoir pour tout moment fort du week-end.

De plus, vous pouvez goûter le vin acheté et le qualifier de piquette sans personne pour répondre : « Non, ce n’en est pas. » En fait, il peut se passer une journée entière sans que personne vous contredise, peut-être même une semaine. Vous pouvez décider vous-même qu’il est temps de se raser, de ses vos ongles d’orteils et de faire le lit. Peut-être vous manquera-t-il quelqu’un pour vous souligner que vous conduisez trop vite ou faites fausse route. Malheureusement, vous n’aurez personne à qui rétorquer : « Et si je te débarquais au coin pour que tu prennes l’autobus? » Peut-être aussi que cette familière ritournelle viendra à vous manquer: « Je viens d’avoir un accident. J’ai foncé dans un… » En revanche, vos assurances automobile cesseront d’augmenter en suivant la courbe ascendante de votre pression sanguine.

Vous ne passez plus de nuits blanches à vous demander lequel des deux a perdu le nord. Vous acceptez votre propre folie telle qu’elle est et vous vous dites qu’un seul détraqué sous votre toit suffit. Vivre en solitaire, ça signifie généralement de pouvoir étaler la liste sans fin de ses défauts sans personne pour la pallier. Vous n’avez plus que vous-même pour vous faire sentir inadéquat, mais pouvez sauver la donne simplement en sortant les vidanges avant qu’elles ne se rendent au bord du chemin par elles-mêmes.

Quand vous vous sentez seul et que vous avez le cafard, vous pouvez emporter une boîte de beignets glacés dans votre lit, lire un roman insipide ou pianoter sur votre portable. Vous vous foutez éperdument de dormir dans le sucre en poudre. Pour remédier à ce problème, il existe la douche. Ainsi, tout peut être assujetti au dogme de l’égocentrisme. Un autre terme serait « l’autopréservation ». Si la vie est courte, on peut aussi avoir la mèche très courte à vivre avec un partenaire qui nous fait souhaiter qu’elle achève.


Source: David Sherman, The Chicago Tribune, "Living alone & loving it", March 9, 2012.